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Bullet and Brain

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Xavier Chanoine 2 Clinquant et parfois ridicule, un nanar policier délicieux
Anel 3
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Clinquant et parfois ridicule, un nanar policier délicieux

Premier film de Keung Kwok-Man, Bullet and Brain est un sous-genre du film d'action hybride, naviguant entre la comédie classique, le polar et le polar martial. Plus habitué au rôle de chef opérateur chez quelques personnalités du milieu (Tsui Hark, Derek Yee, Danny Pang...), le nouveau cinéaste livre un film particulièrement raté dans tout ce qu'il entreprend, mais qui se révèle être au final un divertissement coloré à mettre de plus à l'actif du cinéma HK. L'oeuvre démarre pourtant de la pire des manières, c'est à dire faire ce qu'il faut pourtant éviter histoire de ne pas passer pour un rigolo : le film débute sur les hauteurs d'un immeuble, où le gangster Winston s'amuse à lancer du personnel par dessus bord. Amusant. On vire ensuite du côté de Rain, interprétée par l'affligeante Tiffany Tang, et ses airs de nunuche ne font que rabaisser ses pauvres compétences d'actrice. L'inspecteur Wong est envoyé la protéger, on passera les détails, on s'est juste d'amblé qu'Alex Fong va s'amuser dans la peau de ce policier incompétent, gaffeur et mauvais gentleman. Vu l'épaisseur de son personnage, Keung Kwok-Man profite pour le ridiculiser plus qu'il ne faut pour le plaisir du spectateur un peu perturbé par ce qui se passe : après que Wong s'endorme à cause d'une flèche sédative, Rain est emmenée dans la limousine de son grand père qui lui délivre un pendentif appartenant à sa grand mère, et un code secret lui permettant d'ouvrir les portes de son coffre-fort en Suisse. Une somme énorme l'attend afin qu'elle passe des jours heureux. Classicisme du scénario, bien entendu, et le Winston du début comme tout bandit qui se respecte va venir renifler dans les affaires de la petite et bien décidé à récupérer le code, va tout faire pour arriver à ses fins. Le problème est que deux agents spéciaux sont envoyés pour la protéger. Carnage annoncé? Bien sûr que non, Bullet and Brain s'apparente à du direct to video pour jeunes aficionados de séries TV du samedi après-midi. Absence de violence exacerbée, combats martiaux à peine bruts et surtout gâchés par une caméra qui ne filme pas si bien que cela (un comble quand on connaît le travail effectué par Keun Kwok-Man lorsqu'il était directeur de la photo).

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Rain est donc la cible de Winston. Ses hommes commencent à montrer des signes de vie après un bon quart d'heure rose bonbon au possible et c'est là que l'aspect comique totalement involontaire du film débarque : lorsque Rain voit sa professeur d'art mourir devant ses yeux, elle sourit, cachée derrière un mur. Dans le genre apathique, on est servit. Mais le vrai premier morceau de bravoure est l'apparition de Brain et Bullet. Anthony Wong et Francis Ng présentés comme des rois, roulement de mécanique sévère dans un décor entièrement réalisé en synthèse sous fond de musique alternant rock et techno. Dans le genre "guest star", le cinéaste leur rend un véritable hommage hors norme en l'espace de quinze secondes chrono affichant un égo aussi démesuré que peu compréhensible au vu de leur relative sobriété tout au long du métrage. Bullet and Brain c'est aussi un vilain gangster, Winston, qui discute avec le grand père mort de Rain (logique pour un type de cette trempe, qui plus est riche) à table, affublé d'un costard paillettes. Pour aller danser le Jet? Changement de ton, les gros bras laissent place à l'inspecteur Wong ramenant la belle Rain en side-car. Un side-car dans un polar HK, c'est à croire que les berlines de luxe manquent dans les rues -vides- du quartier dans lequel se déroule le film (sans en être informé, sans doute s'agit-il d'Hong-Kong). Un autre choc? Francis Ng qui ne se bat qu'avec un duo de matraques télescopiques, qui passe son temps à reluquer une strip-teaseuse du nom de Automn/May dans une boîte de nuit passant de la techno que l'on trouvait déjà dans la compile du Hit-Machine 97 et dont la génération Electrodance n'en voudrait même pas pour réaliser quelques fameuses pirouettes désordonnées. Autre faux pas, et un classique du nanar en puissance, chaque vilain tombant d'un immeuble se retrouve automatiquement sur une voiture ou sur un tas de bidons d'eau posés sur l'endroit de la chute. Bref, terminons cette liste d'invraisemblances d'une puissance rare avec la grève de la faim entamée par l'inspecteur Wong lorsqu'il se retrouve emprisonné par Anthony Wong et Francis Ng, là aussi on a connu plus héroïque comme action.

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Si Keung Kwok-Man massacre son ouvrage par un manque cinglant d'expérience dans le domaine de la réalisation, il est peu acceptable de faire montre d'erreurs aussi grossières annihilant toute crédibilité à un film qui n'en avait déjà pas des masses à l'origine. Tourné, monté et scénarisé comme un clip (ou comme un mauvais Besson de la fin des années 90, au choix), mal interprété et déjà-vu pour l'amateur des productions Europa, Bullet and Brain trompe son monde sur la marchandise : si Anthony Wong reste l'un des meilleurs éléments du film, du fait de son personnage bien implanté, roublard et "intelligent", son air blasé finit par ennuyer. Francis Ng joue les beaux gosses mais frôle très souvent le personnage sidekick par excellence, Alex Fong lui volant la vedette de ce côté là. C'est aussi ce qui fait la force de tout bon nanar qui se respecte, l'attelage de personnages pas bien fins, l'enchaînement de gaffes, le cabotinage royal des grands vilains (Andrew Wu en tête, Eric Tsang mérite un cigare aussi) et les twists de dernière minute improbables. Pourtant, même si Bullet and Brain frise le zéro cinématographiquement, il reste particulièrement amusant et se suit sans broncher d'une seule traite. On aurait en revanche apprécié plus de risques de la part du cinéaste en herbe, comme la présence d'un vrai affrontement final ou des ambitions visuelles évitant le clinquant et l'inutilement speed. Une amusante friandise.

09 janvier 2008
par Xavier Chanoine


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